Quand on pense à un accident d’automobile, on pense généralement à un accrochage ou à une collision plutôt qu’à une chute survenue en déneigeant une voiture. Pourtant, la Cour d’appel du Québec a rendu récemment deux jugements dans lesquels elle indique que des blessures subies, alors qu’une personne chute en déneigeant sa voiture, constituent un accident d’automobile au sens de la Loi sur l’assurance automobile. Ainsi, la Société d’Assurance Automobile du Québec (ci-après nommée la SAAQ) devra indemniser les victimes ayant subi un préjudice dans de telles circonstances. Ces deux jugements de la Cour d’appel sont sans précédent puisque ceux auparavant rendus à ce sujet ne reconnaissaient pas ce type d’incident comme un accident d’automobile au sens de la Loi sur l’assurance automobile. En effet, les décisions rendues antérieurement considéraient le déneigement d’un véhicule comme un entretien de ce dernier plutôt qu’un usage de celui-ci, ce qui avait pour effet de l’exclure des accidents couverts par la loi.
Il peut sembler farfelu à première vue de considérer le déneigement de sa voiture comme un usage de celle-ci, mais suivant les principes et l’interprétation des dispositions de la Loi sur l’assurance automobile, on comprend mieux le changement de position des tribunaux à cet effet. D’abord, suivant l’article 1 de la Loi sur l’assurance automobile, un accident est un événement lors duquel une automobile cause un préjudice à un individu. Maintenant, à quel moment un préjudice causé par une automobile sera indemnisable par la SAAQ? Un préjudice causé par une automobile sera sujet à une indemnisation de la SAAQ lorsqu’il est causé par l’usage de l’automobile, c’est-à-dire par son emploi, son utilisation, son fonctionnement ou son maniement. Le préjudice ne sera toutefois pas indemnisable lorsqu’il aura été causé par une action reliée à l’entretien du véhicule, c’est-à-dire pour son maintien en bon état, par exemple, lors d'une vidange. De plus, suivant la jurisprudence, pour que la Loi sur l’assurance automobile s’applique, il n’est pas nécessaire que l’automobile ait été en mouvement au moment où le préjudice a été causé et la personne n’a pas à être à l’intérieur du véhicule. Il n’est pas non plus nécessaire que le dommage ait été causé directement par l’automobile. Il suffit qu’il ait été provoqué par l’usage général de celui-ci. Il ressort également de la jurisprudence que cette loi doit s’interpréter de façon large et libérale, alors que les exceptions qu’on y retrouve doivent être interprétées restrictivement. Ainsi, l’usage de l’automobile doit être interprété largement.
C’est donc à la lumière de ses principes que la Cour d’appel du Québec a considéré pour la toute première fois que le déneigement d’un véhicule est intimement lié à son usage, puisque le déneigement est fait dans le but d’utiliser le véhicule dans un délai rapproché, voire imminent. Le déneigement étant dorénavant considéré comme un usage de l’automobile, des blessures survenues lors du déneigement d’une voiture pourront faire l’objet d’une indemnisation par la SAAQ. Plusieurs réclamations à la SAAQ sont à prévoir prochainement vu l’impact de ces décisions.
Jean-Pierre Lévesque, avocat
En collaboration avec Jessy Blanchette, stagiaire en droit